POEMES DE JEANNINE DION-GUÉRIN : LE JARDINIER
Jardinier 1
Il était des intimes sauvetages
nulle trace qui ne lui parût inutile
Les feuilles l'habitaient
il en percevait le frisson
il était d'écorce et de tronc
Vigile du secret
nul bourdon ivre de pollen
dont il pût ignorer la toison
de fourrure chaude
Dans le péril il était repêché
à la vasque des fleurs réchauffé
dans le port attiédi de la main
là où des cristaux de sel
aiment à rebâtir les villes
à la pointe des ergots.
Jardinier 2
Peau nue dans l'humus
la rosée lui festonnant les mains
il officiait,
grand prêtre
des éternelles Saturnales
Elle se souvint avec netteté
de quelques champignons pâles
qu'ils ne devraient pas piétiner
Dans le vent jusqu'à eux des relents de fumier...
Contre elle
il fomentait ses complots
des jeux de paumes et de mots
auxquels ni elle ni lui ne croyaient trop
Trésor de treille en vin nouveau, ils riaient...
De la cueillette au grappillage
la flibuste précédant l'abordage
Il fut corsaire de ses îlots
Jeannine Dion-Guérin
(variantes de poèmes extraits de : De chair et de lumière, ed. de l'Acanthe, 1997)